jeudi 7 mars 2013

Après boire

Sur la table
De la cuisine la nuit

Comme un pain bis
Repose
Attend que les heures
Et les minutes
L’amenuisent

Émiettent
Ses secondes
Et la longue patience
De ses farines figées

Dans les coins d’ombre
Des bêtes
S’agitent sans bruit
Dévorent des bouts
D’obscurité

Alors que les murs
Grignotent l’espace
Centimètre par centimètre
Un poignard de douleur
Fourrage son bas-ventre
Et sa voix
Monte doucement
Comme une chanson
Gracile et monocorde
Vers le plafond
Où des continents
Émergent entre les trous
Du plâtras

6 commentaires:

  1. Francesco Pittau décrit avec une habilité d’orfèvre, l'évasion de l'esprit qui, lorsqu’il est abruti par l’alcool comme suggéré ici, par une trop grande souffrance ou autre cause,. s'échappe , va se projeter en pensées, libres et folâtres, sur l'environnement.Le fil des pensées n'est plus maîtrisé par le sujet. Il est submergé par des visions qui l'assaillent, qu'elles soient sereines ou douloureuses, oniriques comme ici ou cauchemardesques.Le cerveau se déconnecte, se met à distance du corps. La survie semble passer par des rêveries fantasmagoriques plutôt que par des actions physiologiques....Une sorte de préparation à plonger dans le néant.Les addictions naissent peut être de cette évasion. J'extrapole, apparemment, un peu beaucoup, mais c'est cet état qui est chanté dans ce poème singulier. La douleur au bas ventre est combattue par les visions oniriques du pain, du temps, des bêtes, des murs. Le geignement monocorde de douleur est écouté « comme une chanson »....Une poétique jaillit de cet état extrême.La langue employée est fluide, sans aspérité, les métaphores coulent, précises, évocatrices.L'écriture poétique est presque trop belle, trop maîtrisée . Aucune sensation de vertige et d'égarement n'en jaillit. Au contraire, l'homme semble vivre une sorte de lucidité hallucinée mais sereine, cette lucidité que fait naître une forte fièvre ou un état limite.

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    1. Merci de me lire, m'sieur Verroust, et de m'apporter votre éclairage. :)

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  2. Je connais cette cuisine. C'est une cuisine de quand on est malade la nuit pendant que les voisins dorment.

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  3. Superbe...
    (Ah oui, j'ai moi itou un peu de cette cuisine chez moi, avec quelques continents émergés entre les trous du plâtras (l'image est vraiment parfaite !), mais pas de table, hélas... Les cuisines avec des tables (en bois) me donnent tout de suite une idée de campagne et de pain craquant.)

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    1. A Paris, y a de tout, c'est connu ! (j'aime les tables en bois)

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