Le vieil homme avait
Tiré l’eau
D’un puits où
Son regard s’était perdu
Puis il avait
Posé sur la table
En bois lissé
Par l’usure un morceau
De pain lourd
Avant d’entamer une
Tomate à coups
De dents encore
Acérées
La dernière bouchée
Avalée il avait
Rejoint le lit
Etriqué dur mé-
Tallique et grinçant
Dont les ressorts
Entraient dans la chair
Malgré la couverture
Et il s’était assoupi
L’œil laminé
Par le soleil
Qui se ruait
En obliques minces
Entre les planches
Veuves du toit
Le soir venu lourd
Engourdi par le
Demi-sommeil
Il avait à force
De seaux tirés
Abreuvé les arbres
Fruitiers et orphelins
Qui susurraient en
Aspirant la fraîcheur
Apportée par ses mains
Couvertes de moisissures
Et de grosses veines bleues
Une scène simple, quasi biblique, d'éternité rurale. Le soulagement, l'appétit gourmand sont du côté des arbres, chevaux de bois, assoiffés , déshydratés , cloués à leur place,dépendants de l'homme pour leur survie. Celui ci accomplit sa tache . Sa vie rude trouve sa justification, sa satisfaction dans cet acte là. Ainsi va la chaine alimentaire, la chaine de la vie dans les endroits arides et paumés, inondés de soleil où la pluie et le « progrès » oublient de passer. « Un morceau de pain lourd » une tomate croquée , économie des gestes, des mets, économie réduite à sa plus simple expression. Il reste le besoin animal , vital de repos. Demain faudra recommencer le travail de puisatier, continuer à moisir sur pied dans la moiteur, la chaleur, la sueur, l'humidité du puits. Cela va de soi, pas la peine d'y penser. Il devient extraordinaire ce transfert des sentiments de l'homme dans ce qu'il accomplit , dans ce qui l'accomplit. C'était, ainsi, dans les campagnes, çà peut l'être encore. C'était, ainsi, chez les artisans, dans les corporations ouvrières, cet effacement de soi face au travail à faire, bien fait.
RépondreSupprimerOn parle beaucoup d'eau chez vous, ces derniers temps, Francesco. Mais on en parle bien, ce n'est pas un problème. Pourtant, là, je pense à la faim, au manque et aux gestes simples, dérisoires en apparence, que l'on peut faire parfois, pour les endiguer
RépondreSupprimerComme d'autres avant avec une attention particulière aux arbres de la fin...
RépondreSupprimerJ'aime bien, ton texte, Pitou.
Le pain lourd, les planches veuves ; et tout est là, de ce qui nous attend.
RépondreSupprimerla mie du bois à la croûte veinée
RépondreSupprimerle métal du soleil le tranchant qui sépare
et puis la chair. On peut donc aller si loin.
Compact et masculin.
mais j'aime pas
(mouaaarf ! fallait de l'ombre sur mon comm. quand même)
Vous donnez très bien... à voir. On en prend plein les yeux.
RépondreSupprimer@patrick Verroust. Le cheval ou un animal du même genre, oui. Quasi biblique, euh, pourquoi pas.
RépondreSupprimer@AdS. Merci à vous.
@FM. On parle beaucoup d'eau ? Peut-être... je n'ai pas fait attention. Mais je vous crois. :)
@Luc. Merci Lamy !
@Dominique Boudou. Oui, tout ce qui nous attend. C'est comme ça.
@Kouki. :D
@Moons. Faire voir, j'aime bien quand j'y parviens. :)
Vous découpez, tronçonnez, gravez le Sud au couteau.Vous jouez magnifiquement de la lame, votre écriture est terriblement tranchante. Elle m'émeut. Je vous saisis à vif et je pense que c'est ce que l'on (malheureux "on"), ce que j'attends (osons dire "je"). Pour faire bref, j'aime.
RépondreSupprimerLa voracité faussement douce des arbres est également intéressante : ils aspirent la fraîcheur de l'eau tirée du puits, et l'on entend un susurrement. Pourtant avec "la fraîcheur apportée par ses mains couvertes de moisissures et de grosses veines bleues", on se demande, de l'eau du puits ou du vieil homme, de quoi ou de qui ils prennent la vie.
RépondreSupprimerPièce en un acte, en un lieu, en un temps chaque jour répété :
RépondreSupprimerLe puits, la table, le lit, les arbres...
Le vieil homme, son regard comme un puits sans fond, les grosses veines bleues de ses mains...
Cinq mots clefs, lourd, tomate,demi-sommeil,fruitiers, orphelins, verrouillent ce poème. Le repas frugal agrémenté d'une banale tomate, avalé,sieste forcée, l'homme doit attendre le coucher du soleil,. Les fruitiers qui poussent là, faut pas les plantés là, faut les abreuver selon une loi stricte pour ne pas les voir crever sans avoir rien donné. Pour que le pacte immémorial passé entre l'homme et l'arbre réalise ses promesses le temps de l'homme est asservi au cycle de l'arbre. L'attachement à la terre,ses lois est viscéral. FP « n'aime pas les voyages ». Il convoque sa galerie de personnages en quelques lieux à lui, ancrés dans son sud, inondés de soleil. Il donne à voir en une brève saynète un instant de leur vie Ses instantanés définitifs sont des écorchés sans fioriture.
RépondreSupprimer@Frederique. Merci à vous. Et pour ce qui concerne le Sud, vous en connaissez un bout.
RépondreSupprimer@AdS. Les arbres sont goulus, paraît-il. Et quant à la moisissure...
@Michèle. :) J'aime votre résumé.
@Mathilde. Mes notes de lecture ?... J'avoue que je ne comprends pas. Et l'Œil ouvert, c'est quoi ?
@ Francesco Pittau , j'ai fait une erreur sans doute
RépondreSupprimer@ P Verroust : je ne vous autorise pas à m'insulter , j'ai fréquenté L'Oeil Ouvert , bien avant vos intrusions et Ossiane fait partie depuis de nombreux mois de ma liste d'amis sur Face book où j'échange très souvent avec elle .
Vous seriez bien inspiré de réfléchir avant d'écrire des énormités.
Nous ne faisons assurément pas partie du même monde , le mien dialogue avec de vrais poètes talentueux et polis
En vous saluant
@patrick Verroust. Ok, je vous lis et j'y pense. Comme d'hab'
RépondreSupprimerPour ce qui concerne votre "conflit" avec Mathilde, je regarde et je ne pige pas. Mais bon.
@Mathilde. Pas sans doute, sûrement. :)
FP: Dans une autre vie, j'ai du être paratonnerre!
RépondreSupprimerJe ne connais pas cette Mathilde. L"oeil ouvert" est un blog publié sur le Monde.fr par Ossiane,photographe et graphiste. Elle propose une photo, un haïku, un calligramme comme source d'inspiration à des amateurs qui s'essaient à l'expression poétique. Ils n'ont pas la prétention d'être vrais, talentueux mais ne badinent pas sur le respect et la courtoisie. J'y ai participé un temps, j'ai fait connaissance d'un groupe chaleureux,soudé,accueillant "l'équipage" d'Ossiane, qui compose des poèmes, des chansons d'une qualité surprenante et échange simplement sur les textes comme sur le quotidien.Les habitués viennent s'y saluer.Je garde un bon souvenir de cette expérience qui m'a aidé à traverser une longue période d'immobilisation. J'ai arrêté , il y a plusieurs mois, en ayant le sentiment de déserter, en bon terme avec la blogueuse comme avec les participants pour affronter une convalescence mais aussi parce que je me suis rendu compte que la production poétique que j'y laissais, était contextuelle au blog En sus, du fait de graves soucis que connaissaient Ossiane, le blog n'était, plus vraiment ,géré. Cela entrainait des contributions trop élevées en nombre pour arriver à toutes les suivre, ce qui est important car elles rebondissent entre elles. Je ne me souviens pas avoir eu d'incidents avec quiconque, ce n'est pas le style de ce blog, très doux et consensuel. Par contre, il y eut des intrusions très déplacées à l'encontre des membres du groupe qui nécessitèrent des interventions fermes.Cette personne qui s'affirme si proche de la "Capitaine" devrait savoir tout cela. Il y a moins d'un an que je fréquente la toile. j'y ai trouvé quelques ilots agréables mais les déferlantes ne sont, jamais, loin.Je vais devoir ouvrir un blog ,juste pour accueillir "chez moi" les mauvais coucheurs de tous poils.
Je n'ignore rien des circonstances qui ont obligé Ossiane à réduire ses interventions sur l'Oeil , il se trouve simplement qu'elle dialogue ailleurs et différemment .
RépondreSupprimer@ Francesco Pittau , en vous souhaitant une bonne soirée.
@patrick Verroust. Bon, ça jette un éclairage sur votre échange avec Mathilde.
RépondreSupprimer@Mathilde. Merci, bonne soirée à vous aussi. :)
FP: Il y avait quelque chose qui me turlupinait dans votre poème. La métaphore anthropomorphique et poétique des sentiments des arbres. Les arbres restent de bois quand on les arrose, mais la terre ,elle, desséchées, craquelée, fissurée, susurre quand elle reçoit de l'eau. L'homme ressent dans tout son être ces vibrations naturelles. Vous avez fait là une belle trouvaille qui contribue à la charge émotionnelle concentrée comme à votre habitude.
RépondreSupprimercertes, il n'est pas besoin de savoir cela pour ressentir cette émotion mais votre dessein est, d'une certaine manière, de nous le faire ressentir . Belle réussite!
Bon, moi ce poème m'apaise. J'y sens patience, calme et humilité. J'aurais presque l'impression que le vieux bonhomme (chenu ?) est lui aussi en bois... :0)
RépondreSupprimer@patrick Verroust. Bien vu concernant l'anthropomorphisme.
RépondreSupprimer@Sophie K. :)
Tout en étant très visuel, ce texte ne décrit pas l’homme mais ses actions.
RépondreSupprimerIl y a bien quelques détails : regard perdu, dents acérées, œil laminé …
Les objets parlent plus que l’homme : table en bois, lit étriqué, planches du toit
C’est à la fin que ses mains le décrivent le mieux à travers l’usure et le travail.
Si vous avez besoin d’un accessoiriste …
@saravati. Je serais pas doué comme accessoiriste.
RépondreSupprimer@ FP
RépondreSupprimerAu vu de la manière magistrale dont vous posez les décors, j'en crois rien ...