lundi 1 août 2016

On m'avait dit...

On m’avait dit le fleuve et la plaine
les alluvions au goût d’argile
les graines éparpillées au vent
les fétus sur le fil du ruisseau
la pie à la cime de l’arbre en dieu
tutélaire d’un monde étriqué
à peine plus large qu’une flaque

On m’avait dit les villes les bourgs
les herbes de la périphérie
les puits si profonds les schistes
et le lignite qui tache les doigts
dans le ventre frais de la cave
les silences du salpêtre
dans la nuit des murs opaques
et l’odeur d’urine des souris
stupéfaites sous la griffe

On m’avait dit les arbres
les moissons couchées par la pluie
embrouillées par les orages
et les grêles impitoyables

On m’avait dit les envolées
d’oiseaux semés par une main
invisible comme on jette
des cailloux dans l’eau du canal

On m’avait dit les murs éventrés
les caniveaux les fossés
de drainage les tumuli spongieux
les bosquets les mousses fades
les insectes écrasés
par des pas indifférents

On m’avait dit l’humus la boue
la fange qui gante les mains
la course entre les bouleaux
déjà affrétés pour le froid 
les lentes journées à vivre
les longs soirs à mourir 
l’esprit accaparé par le décompte
des fleurs minuscules du rideau
baigné par la lueur flambante
du poêle

On m’avait dit les heures
les secondes amassées dans un sac
de jute et la fin des souriceaux
criaillant sur les tisons à vif

On m’avait dit le soleil sur les mains
on m’avait dit l’hiver dans les veines
et la bruine dans les orbites
et la brume dans la voix

On m’avait dit l’éternité
en feuille d’automne.


2 commentaires:

  1. Dans les soupirs de ce poème, l'éternité subit l'usure du temps...la décrépitude est son destin !

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