Sur une idée de François Bon, chaque premier vendredi du mois, des écrivains de la toile s'invitent les uns chez les autres. Aujourd'hui, j'accueille une nouvelle fois un texte de Frédérique Martin, tandis qu'elle reçoit un des miens chez elle.
Les sables rouges
*
Quand le vent souffle sur les sables rouges,
les marins tirent encore sur les drisses
nouées d’algues molles,
malgré leurs yeux boursouflés de chassie
et leurs poings desserrés.
Se souviennent-ils de leurs doigts
réduits en éclats par une pluie trop sévère,
un soir où ils ont ramené dans leurs nasses
le corps d’une vieille sirène rompue de chagrin ?
Un mica d’écailles, une toison de chanvre
et des coquillages sans nacre,
c’est tout ce qu’elle avait à offrir.
Eux
voulaient le spasme de sa voix
anéantie par l’ardeur des lancettes
et cette queue robuste
qui fouettait le pont
où luisait par endroit,
une semence rageuse.
Sous les cordes et la graisse,
ils s’attardèrent.
Leurs yeux grêlés d’étoiles,
mités par des errances sans raison,
ne discernaient plus la pulpe écarlate
ni le pourpre des viscères lessivées à grands seaux.
Ils s’époumonèrent dans un chant d’hommes
alors qu’ils se savaient vomis
par des ventres suicidaires.
Comment auraient-ils pu discerner,
sous le cri aigre du cormoran et l’hystérie des mouettes,
ce soupir clapoté sans cesse,
ce sanglot paisible de l’eau
qui retient la chair épuisée des enfants ?
Et quand le jour les a surpris,
puant fiévreusement la servitude des grands caps,
de quelle ruine lacunaire
espéraient-ils encore tailler
un silex de feu
pour s’en lustrer le cœur ?
les marins tirent encore sur les drisses
nouées d’algues molles,
malgré leurs yeux boursouflés de chassie
et leurs poings desserrés.
Se souviennent-ils de leurs doigts
réduits en éclats par une pluie trop sévère,
un soir où ils ont ramené dans leurs nasses
le corps d’une vieille sirène rompue de chagrin ?
Un mica d’écailles, une toison de chanvre
et des coquillages sans nacre,
c’est tout ce qu’elle avait à offrir.
Eux
voulaient le spasme de sa voix
anéantie par l’ardeur des lancettes
et cette queue robuste
qui fouettait le pont
où luisait par endroit,
une semence rageuse.
Sous les cordes et la graisse,
ils s’attardèrent.
Leurs yeux grêlés d’étoiles,
mités par des errances sans raison,
ne discernaient plus la pulpe écarlate
ni le pourpre des viscères lessivées à grands seaux.
Ils s’époumonèrent dans un chant d’hommes
alors qu’ils se savaient vomis
par des ventres suicidaires.
Comment auraient-ils pu discerner,
sous le cri aigre du cormoran et l’hystérie des mouettes,
ce soupir clapoté sans cesse,
ce sanglot paisible de l’eau
qui retient la chair épuisée des enfants ?
Et quand le jour les a surpris,
puant fiévreusement la servitude des grands caps,
de quelle ruine lacunaire
espéraient-ils encore tailler
un silex de feu
pour s’en lustrer le cœur ?
***
Liste des vases d'octobre :
Ah ce mica d'écailles..... du nanan pour qui aime les allitérations..... mais surtout, surtout une très belle association.
RépondreSupprimerEt tout ce qui revient, derrière la vie des hommes, tout ce magma... cela me fait penser à de la peinture.
Chapeau bas, Frédérique Martin. Venir chez Pittau vous va bien au teint :)
RépondreSupprimerJ'essaierai de revenir en dire un peu plus, bien que je ne l'estime pas utile.
Vous écouter, vous lire et relire tous les deux, vous ici, lui là-bas...
Merci :)
Eh bien! Un des plus beaux textes que j'ai pu lire de vous. C'est dire! Superbe!
RépondreSupprimerPour moi,ce poème arraché à l'énergie chante la désespérance des gens de mer, des requins,assassins, puis il s'enfonce dans les profondeurs infinies d'un naufrage.Au fil des vers, le chant semble se gonfler pour dégueuler les mystères de la beauté des choses,de la misère des êtres. Il se lève un grain de toute beauté,qui brasse,avec rage, l'errance solitaire
RépondreSupprimerdes pécheurs hauturiers.
Bravo, tout simplement.
RépondreSupprimerJ'ignorais que les vases communicants se reproduisaient à cette cadence.
RépondreSupprimerJe participe.
Je ne suis pas un fana de poésie, je l'avoue, mais j'ai aimé, les rimes sont légères.
Tu devrais écrire plus souvent de la prose poétique.
RépondreSupprimerAussi violent, vaste et bleu que la mer... :0)
RépondreSupprimer(Ah ben mince, c'est moi, au-d'ssus... J'm'y perds, avec tous ces mots d'passe google machin google truc. Scusi.)
RépondreSupprimerOuch! C'est du Frédérique PITTAU à moins que ce ne soit du Francesco MARTIN. En tout cas, vous voilà bien fusionnés, va falloir que vous vous engueuliez sévère dans les prochains jours pour faire oublier ça. :)
RépondreSupprimerComme un bijou envoyé dans la gueule. Bravo.
RépondreSupprimerRogers, Rogers, est-ce que vous m'entendez ?
RépondreSupprimer@ FP : Donc, je récapitule : Ce blog est hanté (une femme c'est sûr) et quand vous n'êtes pas là, le désespoir le bloque.
RépondreSupprimer@ Aux autres : Je vous ai tous répondu chez moi, vu qu'en l'absence de Mr Pittau la fantômette qui hante les lieux faisait de l'obstruction.
@FM. J'ai visité le moindre recoin de ce blog : pas l'ombre d'une Fantômette mais un mauvais jeteur de sorts vraisemblablement. On dirait qu'il s'est carapaté en tout cas. Désolé pour ces ennuis.
RépondreSupprimer