lundi 13 août 2012

Le labyrinthe, au fond

Il lui avait fallu arpenter
Des ruelles ensevelies
Sous la neige sour-
Cilleuse
S’avancer entre de sombres
Murs ventrus entre des
Empilements de briques
Rongées par le gel
Pour trouver enfin
Un sac de ciment
Durci
Où asseoir sa
Fatigue

Une chambre ancienne
Une peinture bleue
Eclairée par le soleil
Du matin un rideau
Pâle une coiffeuse
Aussi noire qu’un bout
De bois carbonisé
Avaient ravivé sa
Mémoire endormie
Jusqu’alors et des
Grains de sable s’étaient
Mis à crisser sous
Ses paupières battues
Par la faim

La neige bon sang la
Neige tombait à
Nouveau
Explosant la
Ruelle en
Fragments gris-
Âtres
Et les sons é-
Loignés de la
Vie
Ressemblaient
A des oraisons
Morcelées

Dans la candeur
Retrouvée il se
Prit à fredonner
Une chanson qui
Avait une odeur
D’oseille et de blés
Drus
— juste avant de
S’abandonner à la
Main rigide du
Froid

11 commentaires:

  1. Peut-être à cause de Josepha et de Yasmine, mais plus sûrement sans raison évidente, ou peut-être à cause de la "coiffeuse", j'ai suivi ici l'errance d'une femme. Il y a beaucoup de noms féminins aussi : ruelles, neige, briques, fatigue, chambre, peinture, coiffeuse, mémoire, paupières, faim, oraisons, odeur, main...Et puis non, c'est "il" qui fredonne une chanson :)Toujours cette fulgurance du poème et ce qui surgit :desGrains de sable s’étaientMis à crisser sousSes paupières battuesPar la faimet le saisissement de cette fin :— juste avant deS’abandonner à (la)Main rigide duFroid

    RépondreSupprimer
  2. C'est toujours une surprise de découvrir cet art d'associer des trouvailles ellipses comme « asseoir sa fatigue » pour créer des images mentales et une musicalité qui font interagir l'état du sujet et les sentiments du lecteur poussé dans ses retranchements, ses lâchetés.Dans ce poème, on voit, quasiment, la démarche lourde, lente de l'homme dans un univers hostile, les éléments naturels , les constructions sont habitées d' adjectifs anthropomorphiques qui exhalent le rejet , l'inhospitalité .Ensuite surgit une oraison onirique et funèbre, celle d'une agonie adoucie par un délire hallucinatoire, des mirages des jours heureux. Un homme meurt , se laisse mourir, un seul sursaut « Bon sang », des rêves l'accompagnent vont s'éteindre avec lui. « Les sons éloignés de la vie...il se prit à fredonner une chanson qui avait une odeur d'oseille ( évocation à double sens, nourriture et argent, symbole de vie) et de blé dru...Pour moi, cette évasion dans la mémoire, hors la fatalité du dénouement, est la chute du poème même si la très éloquente «  main rigide » du froid vient clore l'histoire.Ce fait d'hiver éveille chez le lecteur un sentiment de pitié, compassionnelle, l'indifférence coupable et effrayée de l'impuissance..Francesco Pittau , de poème en poème, écrit une morale cruelle dans sa vérité, la vie n'a de valeur que pour celui à qui elle appartient, c'est son seul viatique, à lui de le défendre en solitaire par tous moyens.Elle n'a qu'une valeur brute, sauvage, totalement subjective...hors le sujet, elle ne vaut rien.

    RépondreSupprimer
  3. La vérité toute nue : J'aime profondément tous ces personnages, tous Vos personnages... Ils ne font pas les intéressants, il leur arrive d'être rendus malgré eux dans cet endroit de soi où personne ne parvient véritablement : au plus impulsif du rythme interne. Parce qu'ils touchent le fond. Le leur et le nôtre (pressenti, supputé, fantasmé).

    RépondreSupprimer
  4. Etonnant, j'avais suivi aussi l'errance et le désespoir d'une femme...et surprise c'est "il", le poème déstabilise et surprend, à partir de là il doit s'achever.C'est comme un tableau qui se forme sous nos yeux, ce sont des mots doux et durs à la fois, une pure merveille. Merci

    RépondreSupprimer
  5. La confrontation du réel et de l'imaginaire du personnage, c'est bien de cela qu'il s'agit pour vous ?

    RépondreSupprimer
  6. Je les aime bien aussi, je dois dire. J'essaie de regarder surtout, et de montrer ensuite. Par mes moyens qui sont ce qu'ils sont. Sans doute insuffisants, mais bon... je n'en ai pas d'autres.

    RépondreSupprimer
  7. Merci à vous. Votre commentaire faisait écho à un commentaire précédent... l'opposition personnage masculin et environnement "féminin"... c'était bien vu chez vous et chez Michèle. Je me suis dit que ça ajouterait de la fragilité au personne (pas parce que le féminin serait moins "fort" mais par une espèce de "flottement" des genres, comme une hésitation)

    RépondreSupprimer
  8. Je dis pourquoi plus bas... mais il est vrai que j'ai souvent des personnages féminins de toute façon... je ne sais pas très bien pourquoi... J'aime bien parler de l'arc tendu pour décrire un texte. :)

    RépondreSupprimer
  9. Plutôt la confusion du réel et de l'imaginaire....L'imaginaire vient brouiller le réel , l’anesthésier, "la candeur retrouver" permet l'abandon "à la main rigide du froid" dans une sorte de sérénité. Il se dit adieu à lui même, tourne la page de sa vie ,se met en paix en fredonnant une dernière chanson.

    RépondreSupprimer
  10. En tout cas, Ils n'arrivent jamais au havre, vos personnages.

    RépondreSupprimer
  11. Peut-être... j'en sais trop rien en fait. Mais je ne suis pas certain que celui-ci ne l'aie pas atteint.

    RépondreSupprimer