mardi 12 octobre 2010

Marguerite-brûlée

Elle cachait sa chair
Brûlée ses traits boul-
Eversés dans les replis
Et les noeuds d’un foulard
Couleur tabac

Traversait des places
Dévorées par la
Lumière et par
L’odeur tenace des é-
Corces noircies
Trottinait par les rues
Tétanisées tirant son
Ombre dans l’om-
Bre des murs de pierre
Et glissait sa silhouette
Epurée
Parfois entre les perles
Colorées d’un rideau de
Boucherie

Sa voix semblait naître à
Chaque parole comme
Extirpée de sa gorge
A coups de pique
Les mots
Petits caillots de sang
Obscur
S’échappaient en sa-
Ccades de sa bouche
“ Tu me reconnais maintenant ?”
Alors l’homme ou la femme
Reculait d’un pas tour-
Nant la
Tête vers les pans
De viande cramoisie ac-
Crochés
Au carrelage immaculé

22 commentaires:

  1. Beau texte, bien équilibré du début à la fin. J'ai un faible pour cet emploi systématique de l'imparfait qui rend toutes ces scènes de sa vie répétitives. "Elle cachait" : tous les matins ? oui, sans doute, ou chaque fois qu'elle sortait. "traversait des places" : dans le cadre de trajets pendulaires ? possible. Seul "elle glissait (...) parfois" indique que ce n'est pas répétitif.

    "les replis" et "les noeuds" évoquent le soin qu'elle met à dissimuler ces parties de son visage, combien elle a dû s'entrainer à maitriser ces gestes à défaut de maitriser cette nouvelle image d'elle, imposée par cette violence du feu.

    La couleur tabac est importante, car tout le texte est dans ces couleurs de terre, de pierre et de brûlé, à l'exception du rideau de perles et des pièces de viande sur le carrelage dans la dernière strophe. Ici, le visuel (code couleurs) donne le rythme, la musicalité (code auditif)

    Les places dévorées par la lumière renvoient bien sûr à son visage dévoré par le feu. La scène première se joue ainsi sans cesse devant le lecteur, avec les écorces brûlées et odorantes. On comprend qu'elle est toujours dans la place, qu'elle n'a pas quitté l'endroit. Et bien sûr on voudrait bien savoir pourquoi.

    Les couleurs de la boucherie contrastent avec l'idée de vie en couleurs et de mort (viandes froides) sans couleurs. (les perles et les viandes cramoisies)
    L'image de la silhouette "épurée" est insupportable bien sûr, on pense à la symbolique purificatrice du feu alors qu'il n'en ai pas question ici, ou du moins on l'espère.
    "traversait", "trottinait", "glissait"... Le choix de ces termes renforce l'idée que c'est un corps amoindri qui se déplace.
    "tirant son ombre dans l'ombre des murs" : là j'dis rien, j'pourrais faire une thèse de quatre cent pages tellement ça me parle et que j'aime.
    "sa voix semblait naître à chaque parole" : on entend l'effort insupportable, et pourtant, combien cela évoque à la fois la force du phénix qui renaît de ses cendres. Cette survivante qui demande à l'une ou l'un s'il la reconnaît "maintenant", ces témoins possibles d'un avant-après dont on ne connaît pas le rôle passif ou actif dans la scène primitive qui s'est jouée dans ce lieu, c'est d'une grande puissance évocatrice.
    Le parallèle bien sûr entre les chairs mortes, associées d'un regard des protagonistes, est à la fois poignant et d'un humour cynique qui n'est pas pour me déplaire.

    Vous êtes en forme, Pittau.

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  2. pas d'analyse de ma part (je suis loin d'être aussi fine, et d'avoir l'oeil aussi acéré que Anna de Sandre)
    C'et un texte qui laisse en bouche/tête quelque chose de rapeux : les mots caillots de sang sans doute

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  3. @Ads : vous êtes en forme ma chère!
    @Francesco : c'est bizarre, elle parait se cacher, se soumettre dans son attitude, pourtant elle tire son ombre avec fougue et fait reculer le quidam d'une voix neuve qui pourrait dévaster.
    J'aime ces contrastes, tu en as la maitrise.

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  4. Celui là me touche particulièrement. Une de mes copines, une beauté s'est fait exploser une caisse de feux d'artifice à la figure(elle était, est toujours artiste de théâtre de rue). Du jour au lendemain son beau visage lumineux ravagé, méconnaissable. Elle a été magnifique de courage mais quand même, qu'ils détournent la tête vers les pans de viande cramoisie, ouch, c'est dur!

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  5. Très belle analyse d'ADS. Ce poème la mérite.

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  6. Oui, moi aussi, complètement en accord avec cette analyse d'Anna. J'ai ressenti exactement les mêmes impressions, notamment visuelles, à la lecture de ce poème, et je trouve la fin très très forte.

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  7. Oui, oui, voilà, c'est ça. Tout pareil.

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  8. Et pis la couleur du foulard... tabac !

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  9. Lorsque j'aurai enfin vos œuvres complètes sur papier, je pourrai affirmer si ce n'est pas là le ou l'un des plus beaux textes de vous qu'il m'ait été donné de lire jusqu'ici. Virtuosité, vraiment.
    (Je retourne lire madame de Sandre, ma nouvelle prof de français!;)

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  10. @Zoë. Le regard des gens... enfin...
    @Dominique Boudou. Merci d'approuver le commentaire d'AdS. :)
    @SophieK. Merci... :)
    @FM. Pareil à quoi ? :D
    @Vinosse. Ben ouais... ça existe pas ? :)
    @Depluloin. J'espère que vous les aurez un jour. Sinon, j'essaie de faire au mieux...

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  11. Ce texte tout en nuances colorées (plutôt sombres), ces mots qui pèsent non par leur longueur mais par leur intensité se suffisent amplement à eux-mêmes.
    ... et toujours un peu de cruauté...pour la route ! Le regard des autres quand il est appuyé est souvent maladroit.

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  12. Brûlure des damnées sous le voile, bouleversante écriture Francesco.

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  13. ben moi je sais pas quoi dire... ... j'aimerais mieux que les phrases s'étirent dans la longueur plutôt qu'à la vertical. En fait, le poème me résiste ! c'est un objet dur ! comme un caillou dans la chaussure ... c'est bon signe ça ?

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  14. @FM. Si c'est tout pareil qu'AdS, j' suis flatté, surtout venant de vous.
    @Saravati. Pour la cruauté, je fais que raconter.
    @Frederique. Merci. Bien vu.
    @k.role. J'en sais rien si c'est un bon signe. J' suis pas médecin, devin, astrologue, etc. Peut-être que oui, peut-être que non. Qu'il vous résiste, en tout cas, ça m' plaît. :D

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  15. J'aime beaucoup ce texte en crrr !

    Je m'explique...

    Fin de la première strophe, nous avons "couleur" : tout va bien...

    Fin de la deuxième strophe, nous avons "colorées" : ça va...

    Fin de la troisième strophe, nous avons "cramoisie" : rien ne va plus...

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  16. Je viens d'apprendre que Lettres Libres, le blog de Christophe Borhen, vient d'être tout bonnement supprimé (sans qu'il en soit prévenu) par un webmaster ignare de la plate-forme Zeblog.com sous prétexte "d'un article déplaisant" (????).
    CENSURE, donc, je ne vois pas d'autre mot, sans compter que je trouve le procédé immonde.
    Les gars, nous sommes aux mains de souris grises. Faites passer le mot.

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  17. Scusi, encore moi, voilà la nouvelle adresse de Christophe Borhen :

    http://lescarnetsdechristopheborhen.fatalblog.com/

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  18. @ FP : Vous ? Flatté par ce que je dis ? C'est le monde à l'envers !

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  19. verroust patrick18 octobre 2010 à 09:19

    Un poème dur. Cruels sont ces regards qui fuient l'insupportable vision qui renie l'humanité cachée derrière l'infirmité.La chute est terrible "tournant la tête vers les pans..."
    Qui n'a pas ressenti devant l'horreur d'une blessure, d'un handicap, de la misère, un malaise, un désarroi profond,une angoisse existentielle,une remise en cause brutale, une incompétence à trouver une attitude naturelle une feinte indifférence et qui n'a pas fuit, Moi ,j'ai fuit. je mérite le coup de point de ce poème. Peut être fuirais je un peu moins, ce n'est hélas pas certains. Je crois que ce visage, je pourrais le regarder mais pour d'autres choses, je fais l'aveu de mon incapacité. Je me rends compte que je m'écris à moi même. Dans cette période de discrimination, d'exclusion, d'expulsion, de misère matérielle, reconnaître que ce dégout fondamental est la mère du racisme et du refus de l'autre est un point essentiel pour lever toutes les hypocrisies enfouies , quelquefois, dans les bonnes consciences. Lâcheté, difficile d'éviter ton prix.

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  20. Michèle (Pambrun)25 octobre 2010 à 21:17

    Je suis sensible à l'analyse de AdS. Je reste cependant (mais est-ce bien antinomique) sur mon impression furtive et première : cette silhouette qu'on ne veut ni regarder ni reconnaître, c'est la Mort quand elle vient nous chercher.

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  21. @patrick verroust. Je vous comprends.
    @Michèle. Possible. En tout cas, c'est ce que vous y voyez, et c'est très bien.

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