lundi 10 septembre 2012

Une si longue attente

Le discret bredouillis
De l’eau l’avait éveillé
Ses yeux avaient palpité
Sous la lumière pissenlit
Du soleil laminé
Par les barreaux
Dont les cloques de rouille
Crevaient en cratères
Figés

Dans les fleurs du
Salpêtre des figures
Se dessinaient par instants
Ouvraient des gueules
Et des regards
Plus larges que l’embouchure
D’un fleuve

Il avait vu la mouche
Sur son bras il avait
Vu la trace sur son
Torse il avait vu tout cela
Et il s’était alors
Immergé de nouveau dans la
Vase de son sommeil
Il s’était laissé porter
Par le cours d’eau
Tranquille vers le fracas
Qui retentissait au loin
Comme un écho de catastrophe
Inachevée

9 commentaires:

  1. Passionnant comme toujours (j'aurais pu cocher la case correspondante), très visuel (pour moi), un scenario de Colpi, écriture Duras, musique G. Delrue ; à moins que vous nous emmeniez vers Faulkner. Quelle que soit votre intention, à vous lire, je prends. Ou encore Michael Cimino.

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  2. Francesco Pittau a l'art et la manière de planter un décor qui parle à nos mémoires enfouies pour nous faire ressentir une perception abstraite qui nous concerne tous, la lutte pour la survie. Dans ce poème, cette lutte est traitée par le thème de la peur et du combat mené pour juguler l'angoisse de l'inconnu inéluctable. La mort rode, elle frappe probablement au loin, et la dernière heure de l'homme semble proche. La thématique de la mort et de la rébellion pour la repousser sont des obsessions dans l’œuvre de Francesco . Elle est la trame sous-jacente de la plupart de ses poèmes sinon tous. Il saisit les êtres, souvent les désespérés, dans des attitudes des errements, des évasions plus ou moins sauvages pour fuir un destin inexorable, notre destin à tous. Le choix de ses sujets d'observation, l'écriture qu'il emploie agissent comme des révélateurs de nos comportements plus banaux, en apparence, pour ignorer,fuir l'inexorable. Cet effet loupe nous impacte, nous met en empathie à la façon « du denier jour d'un condamné » de Victor Hugo. Comme dans ce roman peu importe ce qu'à pu faire l'être confronté à un moment tragique, peu importe l'issue, peu importe l'histoire, seule importe la confrontation à une angoisse bestiale. Le poète fait surgir une fraternité animale en nous faisant toucher du doigt que cette confrontation est suspendue au dessus de nous tous.« Une si longue attente » est un poème lumineux. La vie s'y exprime dans toute sa magnificence. Le décor glauque, les barreaux, les cratères figés, le salpêtre sont magnifiés par la lumière pissenlit, les gueules ont des regards larges comme des embouchures. Un brutal effet travelling projette sur la mouche , la trace sur le bras....l'homme ne peut plus rêver, se projeter dans un futur vivant, au contraire. Ce constat établi , il se protège par une sorte d'anesthésie mentale, « il s'immerge de nouveau dans la vase de son sommeil ». « Il s'était laissé porté par le cours d'eau tranquille vers le fracas...comme un écho de catastrophe inachevée ». Comme toujours chez Pittau, l'énergie , ici le stoïcisme est tiré dans un rapport étroit avec la nature. La nature est impassible, l'homme s'y réfugie...C'est très beau et elle est très bien construite cette machinerie qui fait goûter la vie pour mieux ressentir le poids des angoisses et qui interdit d'y échapper par une rêvasserie romantique. Chez Pittau, le romantisme est banni, j'aime les concentrés d'émotions primales qu'il délivre avec une précision clinique dans des visions dilatées comme l'est ici la lumière traduction de l'aspiration à la vie saisie au moment où elle semble s'enfuir.

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  3. Alors moi ce que j'aime tant, c'est qu'un poète puisse écrire "le discret bredouillis de l'eau" ou "ses yeux avaient palpités", de ces images dont on ne sait pas si on doit en rire ou les trouver admirables de sincérité et de justesse ! et puis tout à coup vous prenez en pleine figure :"Du soleil laminéPar les barreauxDont les cloques de rouilleCrevaient en cratèresFigés"ou"Il avait vu la moucheSur son bras il avaitVu la trace sur sonTorse il avait vu tout cela"ou encore"Immergé de nouveau dans laVase de son sommeil"et là vous vous dîtes, on ne rigole plus, c'est du grand, c'est du beau, le poème est là !Merci encore et encore, vos textes sont des fulgurances, des instants d'émotion parfaits."

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  4. Merci Frederique... toujours visuelle... de plus en plus même... :)

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  5. Je me demande comment je peux susciter un commentaire aussi étendu avec un texte qui l'est beaucoup moins... :)

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  6. Pour la sincérité, je ne peux rien affirmer ; pour le rire, tant mieux.Sérieusement : l'utilisation des images est une matière complexe... j'ai bien quelques idées sur le sujet mais ce n'est pas l'endroit.Merci de me lire.

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  7. Rassure-toi, cela ne t'est pas personnel...

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