mercredi 20 novembre 2013

Rêve de mouche

Sur la nappe noire
Les mouches
Songeaient
Les mouches
Frémissaient
Les mouches
Patientaient
Baignées de soleil
Parmi les miettes
Des heures et des minutes
Grignotées d’une dent
Inlassable

Contre le mur
Un balai
Espérait la poussière
Dans la cour
Un drap battait
Comme une paupière
Sous l’ombre
Raide du saule
Dont le tronc portait
Les traces blêmes
De la lèpre

Et le long du mur
Vaste
Rouge frontière
Dressée contre le ciel
Un chien
Refaisait le sentier
Sempiternel
De son ennui
Hurlait à la lumière
Jappait au vent
Arrachait des touffes
D’herbe noircie
S’allongeait sur des planches
Brutes
Avant de rêver en geignant

Quelque part
Les neiges oubliées
S’amassaient
Les tempêtes
Assénaient leurs coups
Brassant des fleuves
Visqueux
Et des torrents de boue
Couleur de plomb

2 commentaires:

  1. L'ennui est là , glauque, il colle au décor. Les mouches existentialistes « songeaient »,Les heures et des minutes grignotées d’une dent inlassable . La vie , la sève semble avoir déserté Un balai espérait la poussière , un drap battait sous l'ombre d'un saule dont « le tronc portait les traces blêmes de la lèpre ». Une malédiction semble ramasser en ce lieu. L'immobilité en est le symptôme, le plus frappant, même le chien vivait un sempiternel ennui . L'écriture est grise comme le malaise assourdie de sons en « ait ». Ici , l'ennui rime avec oubli.....Pourtant quelque part « des neiges oubliées s'amassaient....Les tempêtes assénaient leurs coups... brassant des torrents de boues » . Au réalisme banal peintes dans les trois premières strophes succède une réalité pire. La scansion du poème cogne, bat aux temps, une peur primitive ressurgit, celle de la fragilité de l'aventure humaine.Il suffit «d'un mur rouge frontière pour rêver en geignant » dans l'ennui d'une apparente sécurité....J'aime beaucoup ce « quelque part » indéfini qui situe, sans le dire, l'être funambule « sur le fil de coton perlé » au dessus du néant....

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