lundi 15 décembre 2014

L'ombre de l'Orient-Express

La gare assoupie sur ses briques
accueillait toutes les neiges
absorbait toutes les bises
sans jamais rechigner d’un poil

et tu marchais vers elle corps
crispé autour des os glacés
expulsant à chaque foulée
le petit nuage de tes humeurs

et l’esprit salubre qui chuinte
et siffle en chacun de nous
comme un serin moqueur
La sueur embaumait le silence

s’entassaient en toi couches pleines
sédimentation des vies simples
celle du chat que tu rêvais
celle du buffle que tu étais

celle de l’oiseau que jamais
tu ne seras malgré l’envie
de survoler les forêts touffues
et les océans en paix

Le monde partait en lambeaux
dans ce petit soir décousu
que le froid ne détruisait pas
malgré les abeilles du gel

Les bouffées du grésil frappaient
de plein fouet les lèvres les yeux
croquaient entre leurs dents claires
le cartilage des oreilles

Les trains ne venaient pas
sur les rails de lune voilée
les voyageurs attendaient assis
sur les bancs de béton la bouche

ouverte aux poignées de neige
que le vent jetait en pagaille
Comme il faisait beau ce soir-là
les poings noués dans les poches

le froid comme un lézard sur les cuisses
grimpant en espiègle vers l’aine
tandis que tombait sans fin
une nuit qui ne ressemblait pas à la nuit

3 commentaires:

  1. L'environnement, gare, froidure,atmosphère sont prégnants dans ce poème, tout en subjectivité. Ils déterminent une forme de rêverie passive, "décousue". Le corps, lui même, semble faire parti du décor, l'écorce de l'être. La femme dont l'auteur se fait interprète, semble subir le délétère qui l'entoure. Elle résiste , entrevoit la beauté du soir, perçoit avec humour les morsures du froid, "lézard, espiègle" mais elle n'exprime pas la volonté farouche des personnages habituels de Francisco Pittau. La construction poétique exprime bien cette déambulation déstructurée, comme dans un demi sommeil, entre "chien et loup". Cette "ombre de l'Orient-Express" est comme une étoile filante dans un ciel d'hiver, un trait plus rêvé que vu . Chagall aurait aimé....

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  2. Très égoïstement, je vous souhaite, en l'an 2015 une plume riche d' inspiration étonnante que je pourrais déguster comme un fruit tentant posé dans la corbeille sur "la commode"....

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  3. Merci, m'sieur Verroust. Bonne année à vous aussi.

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