samedi 13 juin 2015

A la Saint Sauveur

La nuée tombait drue
sur les arbres déhanchés
par le vent perpétuel
qui soulevait la poussière
épaisse et haute comme
une main dressée
— il pleuvait des cendres
il pleuvait des odeurs
d’incendie il pleuvait
des jours cicatrisés
sur cette colline où l’existence
s’est figée à jamais
dans une heure indéfinie
entre l’après-midi et le soir
déclinant

Il te reste en bouche
le goût de l’eau
et du goulot de la bouteille
mise à fraîchir sous les branches
tandis que l’air vibrait
tôle chauffée à blanc
du crissement des criquets
ou des insectes que
tu ne connaissais pas

La femme est morte
depuis longtemps
son mari s’est étiolé
depuis longtemps
le temps est dans tes paumes
lové en bête ravie
sûr de sa force et de ta faiblesse
— le bar baigné d’ombre
attend toujours le client
et dans la rumeur
de la pluie qui parsème
la terre  pesante
le souvenir d’une voix
grêle et chantante
revient à tes oreilles :
«Si tu savais mon enfant
tout ce qui me retient
et tout ce qui m’éloigne
tout ce qui me lie
et me délie
tu n’aurais pas assez
de ton entendement
pour m’écouter»

Cette colline battue
par les vents maritimes
est toujours là
bossue comme un dos
de malheureux
soumise aux souffles
du ciel et à la maladresse
des siècles cette colline
où tes pas se sont inscrits
un instant puis ont disparu
pour n’y plus revenir.

2 commentaires:

  1. Une belle puissance d'évocation poétique jaillit de ce poème. Les thèmes chers à Francisco sont présents, les éléments naturels en état paroxystique, ils contribuent à la vigueur poétique. Le souffle surgit grâce à un choix méticuleux des mots travaillés avec l'art d'un ferronnier. La confrontation avec l'énigme de l'homme, avec ses souvenirs défunts, sa trace qui disparaît est forte. Bel ouvrage qui s'inscrit dans la légende des siècles, une petite épopée, âpre . Les chemins sont sans retour, les seuls bagages autorisés sont ceux qui font battre le palpitant...

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