Sur la nappe à citrons la mouche
perdait son temps les moustiques
engourdis gardaient les coins d’ombre
en attendant que la nuit vienne
— dans la chaleur la brebis meublait le vide
en bêlant quand le chiot couvert de puces
jouait entre les pierres lissées par les eaux
du torrent— le froissement de la respiration
avait une force paisible et un entêtement
de bête blessée
La chaise collait aux fesses la tarte pâle
attendait le coup de fourchette dans l’odeur
fade des velours et de la poussière des chansons
endormies dans le vieux piano en merisier
le chandelier tendait des bras fatigués vers le plafond
couleur de terre couleur de jour las et de soirées
lentes autour d’un livre ou d’un somme qui vient
et qui va
Il fallait enfourner la première bouchée
mastiquer mâcher avaler ruminer le temps
comme un bout de viande et boire
la limonade tiède où flotte l’écorce
«Si tu veux mon amour tu peux partir
quitter la table et courir dans le jardin
avec les guêpes mais fais attention
au chat fais attention au loup près du rosier
fais attention au monstre qui dort
dans le cellier il te croquerait comme un rien
sans même t’en demander la permission
il ferait de toi un pâté pour les anges
et les fantômes qui vivent sous le tapis»
Il n’y avait ni anges ni fantômes ni loup
ni monstre dans le cellier
il n’y avait qu’un chat rond et roux qui gardait
au fond de ses prunelles des secrets
et des mystères comme des bijoux
au poignet d’une femme.
Réminiscence....réminiscence des jours poisseux où tout "péguait", la chaleur moite collait à la peau, à la nourriture. Le poète arrive à rendre cette impression prégnante, palpable....Il l'évacue avec humour avec une liberté donnée à l'enfant, taquine, d'aller retrouver les monstres qui, dans le jardin, guettent les galopins...La dernière strophe, un tantinet nostalgique ramène l'adulte à une réalité , légèrement,érotisée , avec "les prunelles du chat qui gardait ses secrets et ses mystères comme des bijoux au poignet d'une femme...porte d'entrée dans l'adolescence pubère ???
RépondreSupprimerPorte d'"entrée d'adolescence pubère ? Pré-pubère même. Largement.
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