mardi 4 août 2015

Conte pour les enfants

L’odeur des amandes l’après-midi
entre le banc de pierre et le mur
frais sous le citronnier ombrageux
ne lui a laissé qu’un souvenir
ténu tendre et frêle comme un envol
de papillon au-dessus des fleurs
et des plantes grasses

Le savon à l’huile d’olive embaume
encore ses cheveux l’eau du bassin
rafraîchit encore son visage
et la corde des intestins sèche
encore au pilier tandis que le curé
en soutane continue de tomber
dans la poussière de la route

Une voix de femme a percé
l’azur lisse et solide comme un mur
tiré du fleuve— une voix étroite
de moellons et d’œufs gigantesques
une  voix de peur et de ravissement
couleuvre sinueuse momifiée
dans le fossé où la foudre
a frappé dans la torpeur du soir
quand les figuiers se mettent à rêver

Il a entendu le cri il a entendu les rumeurs
il n’y pense plus il y pense toujours
il n’est plus là il y est encore
cherchant dans les coques des amandes
une ombre de cette vie en allée
comme l’eau qui goutte au bec du robinet en cuivre

Les chemins se divisent sans cesse
les heures se détruisent les unes les autres
et les jours empilés tels des assiettes
sur la paillasse semblent aussi vifs
et colorés qu’ils le furent

«Tu as vu comme c’est beau ?
compte jusqu’à dix sur tes doigts
ça c’est rouge ça c’est bleu ça c’est jaune
et ça c’est blanc comme la neige
qui tombe doucement sur les voitures
de la place où l’on court à petits pas
de crainte de glisser sur le sol gelé
regarde comme c’est magnifique
ça brille ça brûle tes yeux la neige
est éclatante et le soleil dessus
tire des coups de fusil dans tes prunelles»

L’ange est descendu sur la Terre
dans un grand battement d’ailes
il a ramassé les enfants qui traînaient

les a mis dans les sacoches
de son vélo qui grimpe au Paradis
tout seul pareil à un cheval bien dressé
et puis a disparu la lèvre rieuse.

6 commentaires:

  1. Un feu d'artifice de lumière blanche crée une atmosphère spéciale, spectrale....effrayante et gaie à la fois....Un cocktail de jolis moments fait la nique à la finitude, la transcende porte ouverte sur des moments de poésie qui soudain se révèlent, sortent des placards de la mémoire....

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    1. Ah les placards ! on ne sait jamais ce qui va en surgir.

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  2. La mort d'un enfant et cette odeur d'amande sortie de sa bouche pour se mêler au parfum de ses cheveux, savon à l'huile d'olive...
    Me va cette image de sacoches de vélo pour monter au Paradis.

    Votre écriture, Francesco Pittau, sidérante...

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  3. ... et oui "Conte pour les enfants"...
    ils viennent au monde lourds de l'histoire des hommes, et toute une vie (si courte parfois) pour la décrypter.

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