mercredi 15 décembre 2010

La trêve

Il regardait l’ha-
Leine du fumier
Filer droit dans
Le ciel imper-
Turbable

Un cri de colère
Contenu cris-
Pait son corps
Qui ne frémissait
Plus malgré
Le froid

Du talon de ses
Bottes il bri-
Sa des mottes
De terre engourdie
Les porta
A ses lèvres fen-
Dues pour
Les goûter par
Petits bouchées
Minutieuses

Mâchant re-
Mâchant es-
Suyant du dos
De la main la
Salive ac-
Cumulée aux com-
Missures
Qu’il crachait parfois
En larges taches
Sombres

23 commentaires:

  1. C'est la dèche ou le goût excessif de la glèbe ?

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  2. une rage animale sans doute... la colère sortira au noir. C'est ce que ça me dit : envie que ça sorte plutôt !

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  3. bouffer de la terre peut être un bon moyen d'étouffer le feu intérieur
    ça peut aussi nourrir la rage :)

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  4. Un ancestral, animal, vital besoin de travailler sans trêve l'habitait . Surveiller l'état des terres était une seconde nature. La survie, la vie dépendaient du rendement d'une récolte. Un gel soudain, une terre gâchée , s 'en était fini du labeur accumulé , de l'espoir à naître, du fourrage des bêtes, de la nourriture des humains. Il l'aimait cette terre labourée, sarclée , binée, enrichie de fumure brouettée , étalée à la fourche, talée à coup de talons précis. Au goût qu'elle avait , il appréciait sa richesse ou sa pauvreté, si les sols étaient en cours de régénérescence ou dégénérescence. Il pouvait prédire ce qu'il allait advenir, ce qui était perdu, ce qui allait donner. Là, la déception, l'inquiétude apparaissent énormes. Le sort a donné un sale coup. Il mâche sa colère, sa terre supputant, lentement, ingérant ce sol avec lequel, il fait corps.

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  5. hop c'est pas la trêve des confiseurs là... beuargh!

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  6. "L'haleine du fumier"... Alors ça! ... ça! ..."la "terre engourdie" ...
    Patrick V. a magnifiquement tout dit! (Cette façon de goûter la terre comme un vin ou une sauce, je n'ai jamais été très sûr que ça ne soit pas une légende ou une malice de paysan.)

    Le titre, ne jamais négliger le titre... il en dit long.

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  7. Putin qu'est-ce que ça les fait bander tous ces petits-mondains qui n'ont jamais connu ce métier de merde.

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  8. @Zoé lucider. Va savoir. :)
    @Kouki. T'es une intuitive que ça m'étonnerait pas.
    @Mu LM. Oui. Un des moyens.
    @patrick verroust. Vos commentaires me laissent à chaque fois sans voix. Merci.
    @Vinosse. Oh, t' sais, le bateau de Rimbaud doit pas beaucoup convaincre les vrais marins.
    @Ch. Sanchez. C'est le moins qu'on puisse dire.
    @Depluloin. Merci de me lire, m'sieur Depluloin. Ah ben oui, le titre.
    @Vinosse. Quel métier ?...

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  9. @Vinosse : on va pleurer avec Jacquou le crocquant en buvant des mojitos juchés sur des pompes Jimmy Choo, tiens.

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  10. Ah si, moi j'ai bossé tout une saison dans une ferme, jadis. Et "l'haleine du fumier" (c'est bien beau, cette image), j'm'en souviens... On ne supait pas la terre, mais on la goûtait, ne serait-ce qu'en l'écrasant entre ses doigts. (Tu fais ça aujourd'hui en Bauce, t'as du sable entre les doigts, ou presque.)

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  11. Mes commentaires vous laisseraient sans voix, j'espère que cela ne vous handicape pas trop. D'être sans voix n'empêche pas d'écrire et permet d'échapper aux obligations "mondaines" des écrivains. Mais , tout de même!
    J'aime bien la façon dont vous torturez les mots, les phrases, la syntaxe pour décrire les souffrances de vos personnages. Peu de gens savent que la détresse, la souffrance psychique se traduit très concrètement pat une douleur physique , une posture corporelle qui s'impose au corps et qui contraint l'enveloppe charnelle. Vous traduisez très bien cela. Merci!

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  12. Il m'est arrivé, pendant de longues années, d'aller fréquemment mettre les pieds (les bottes) dans le fumier de goret. Pas par plaisir. A quinze ans, ou 16 ou 17, je ne le souhaite à personne. Il y a surement une poésie là-dedans mais elle est d'un tout autre ordre que celle des nostalgiques d'un temps qu'ils n'ont pas connu.

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  13. @Dominique Boudou. Une trêve qui n'en est pas vraiment une.
    @AdS. Vous avez une belle connaissance des bonnes manières, on dirait.
    @Sophie. T'as travaillé dans une ferme ? J'aurais voulu voir ça. Je te vois citadine à mort.
    @patrick Verroust. Vos commentaires me laissent sans voix, pas sans plume. :)
    @Vinosse. J' vois même pas où j'ai pu parler de plaisir. Et la nostalgie, c'est pas mon rayon.

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  14. @Vinosse. J' vois même pas où j'ai pu parler de plaisir. Et la nostalgie, c'est pas mon rayon.

    J'disais pas ça pour toi ...

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  15. Ben nan, Francheskochou. Je sais traire une vache, nettoyer une étable, mener un troupeau, faire les foins et conduire un tracteur. C'est dingue, hein ? :0)

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  16. @Sophie K. J' suis épaté. T'en connais un trayon sur le sujet. (désolé)

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  17. Quand il faisait très froid, le tas de fumier fumait puis au bout de quelques jours de gel il s'arrêtait.

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  18. Moi, cela m'évoque la faim, la physique, celle qui épuise le corps. Et la haine aussi.

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  19. @Gilles. Et le tas de fumier ressemble vraiment à un cadavre du coup.
    @FM. Vous si GENTILLE, penser des choses pareilles. :)

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  20. "Il regardait l’ha-
    Leine du fumier
    Filer droit dans
    Le ciel imper-
    Turbable"

    Il n'y aurait bientôt plus de fumier. Il venait de faire abattre les vaches et les génisses, parce qu'il lui avait fallu décapitaliser pour payer ses charges d'exploitation. Et l'Insee qui racontait que le revenu des agriculteurs, des actifs non salariés qu'ils disaient, avait augmenté de 84.9% en 2010 ! "l'Agreste primeur" parlait lui de 66%. Les fumiers, ils ne tenaient plus compte des branches de production, ils mélangeaient tout, ignoraient volontairement leurs taux d'endettement, à eux, les petits. Ils ne voyaient que les grandes cultures céréalières, mais quand il n'y aurait plus de bêtes, on verrait... et il allait leur faire voir, lui, pas plus tard qu'aujourd'hui ; ils parlaient de flambée des revenus, des cours mondiaux, il allait leur en foutre lui des flambées, leur en faire bouffer de la vie de paysan...

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  21. @Michèle. Mais il a été sauvé par la PAC.

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