lundi 20 juin 2011

L'exil, en quelque sorte

Avalé par la vapeur et
Les vacarmes de la gare
Il avait mangé sur le quai
De pleines bouches
De tomate et de pain
Bis sans se préoccuper
Des regards intrigués
Que les voyageurs lui
Balançaient au passage

Il avait mâché chaque
Bouchée avec un
Calme vorace il avait dé-
Gluti chaque bouchée
Dans un frémissant
Va-et-vient de sa glotte
Aussi grosse qu’une noix

Sous son cul sa valise
Ployait à peine sous
Le poids de son corps
Etriqué
Dans ses yeux des ombres
D’arbres
S’inclinaient se redressaient
Comme sa tête qui semblait
Habitée par une brise
Intérieure
Et ses mains osseuses parfois
Battaient une mesure qu’il lisait
Dans le rythme des genoux
De la foule affolée

Quand il eut tout
Englouti
Il resta sans bouger
Les paupières serrées
Sur la musique qui
Le submergeait
Oubliant que des trains
S’apprêtaient à partir

7 commentaires:

  1. D'emblée oui.
    J'arrive à tout comprendre.
    ...
    C'est peut être pas bon signe, çà ?

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  2. On est sur le quai, on sent même le goût des tomates et du pain bis. Un train arrive et peut-être qu'on ne le prendra pas.

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  3. Un quai de gare, lieu dédié aux arrivées aux départs, lieu de migrations choisies ou imposées. Assis sur sa valise que son poids ne déforme pas., un homme se sustente de pain bis et de tomates, indifférent aux regards « des passants intrigués ». Il est happé par le vacarme de la gare,mange avec
    une résolution paysanne. Il sait l'importance de la mastication, le jus des tomates fait passer le pain, favorise la déglutition. « Dans ses yeux des ombres d'arbre » « sa tête habitait par une brise » »ses mains battaient une mesure » disent à la fois l'origine agraire de l'homme, son sens de la musique. Ce texte me rappelle un film italien, histoire d'un berger qui révèle un talent musicien . L'homme semble obsédé par les compositions musicales qui l'habitent.  Il en oublie le départ des trains. Le moment qu'il vit est lourd. Les sons des mots en «é », l'utilisation de l'imparfait, traduisent, aussi bien la mastication appliquée que le martèlement des bruits qui l'envahissent. Ce texte est d'un néo réalisme sans apitoiement, il est la réflexion d'un auteur, homme d'abord, , hanté par le déracinement, par les destins des gens du peuple, de leur luttes farouches pour garder leur identité, pour exister, réaliser des rêves. Ce texte est subtil. Il décrit « Une sorte d'exil peut être », une solitude assumée, mais,aussi, une communion symphonique avec la foule à travers la musique dont il lit la mesure dans le rythme des « genoux affolés » . Sa destinée est incertaine, la musique l'accompagne ; Elle fait de lui un être sensible au monde, un monde,enfermé dans sa tête.Je lis, ici, peut être, à tort un exil et une communion, paradoxes et contradictions apparentes. Sur sa valise, il semble plus fraternel que la foule intriguée.il ne fuit pas,il cherche l'entrée.

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  4. j'aime beaucoup la nuance annoncée dès le départ par le titre "en quelque sorte".
    Le reste aussi, évidemment...
    "Quand il eut tout (passer à la ligne)
    Englouti"
    (et voilà on a le mouvement, on visualise la scène :)

    les bons titres ça m'interpelle -les miens étant toujours bof- je suis jalouse, tiens ;)

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  5. C'est pas de l'inertie, c'est du refus... :0)
    (Au fait, c'était Randolph Scott, le gars qui que, donc. Et j'ai en tout cas vu "Le brigand bien-aimé" d'Henry King...)

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  6. Un régal comme toujours. Aussi bon que les tomates et le pain bis mâchés avec un calme vorace, le poème. Et j'aime comme les commentaires accompagnent, appuient, aimantent. Et comme datura, oui, aimer comprendre du premier coup et ne pas s'en inquiéter non c'est pas grave docteur.
    Ce gars-là sur sa valise, c'est lui, c'est toi, c'est vous, c'est moi, c'est elle. C'est pour ça qu'on aime les quais de gare...

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  7. @datura. J'ai pas réussi à faire assez obscur ? Suis dépité. Je serai jamais Mallarmé.
    @FM. On prendra le bateau alors. :D
    @patrick Verroust. Néo réalisme ? Réalisme, c'est déjà bien. Ça m' suffit amplement.
    @Muriele. Vous dénigrez pas. :)
    @Sophie K. L'inertie, c'est une forme du refus ? Enfin, j' sais pas. (Randolph, bien sûr... déjà avec Mc Crea j'avais du mal mais avec Randolph, c'était carrément burlesque... :) )
    @Michèle. Exact. J'aime beaucoup les quais et les halls de gare.

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