mercredi 7 septembre 2011

“Rachel...” murmura-t-elle

D’abord un tressaillement
Une cambrure
Le temps qui se rompt comme
Une verroterie
Et un soupir incandescent
Qui embrase la nuque

Puis une déchirure puis
Une torsion
Puis une plainte
Déroulée brusque au fond
Du ventre
Puis la morsure qui
Vrille les tissus les
Fulmine

“Ta voix portée par
L’espace ta voix
Je la veux entière
Collée à mes nerfs collée
A ma chair à ma peau
Qui te réclame et t’appelle
Chaque pore comme le
O
Dans l’alphabet “

Ensuite dans le couloir
Frais
Dans le couloir qui mène
Aux sables souillés
Aux fleurs aux poignées de
Mains aux paroles
Raturées

Et à chaque pas
A chaque porte
Franchie elle
Se retournait afin
De ne pas perdre des
Yeux
La chambre vide
Désormais

25 commentaires:

  1. c'est bien ça les états du manquej'aime beaucoup la première partie avec le déroulé de la nuque au ventre

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  2. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Ensuite dans le couloirFraisDans le couloir qui mèneAux sables souillésAux fleurs aux poignées deMains aux parolesRaturées~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~La gorge serrée à la lecture de ce poème magnifique ["Rachel..." murmura-t-elle]

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  3. Monsieur Pittau, votre poème m'époustoufle, si j'avais un chapeau , je vous le tirerais . Le fond est la forme sont, si bien maniées, quasiment au sens culinaire du terme que la structure du récit en devient plastique, atteint ce point rare où prose et poésie fusionnent. Une cinétique particulière anime l'action que la femme subit quasi physiquement. La chute inattendue puis inéluctable, et d'apparence définitive marque une rupture plus qu'une fin. Le « désormais » introduit un « vide » qui va durer. Le tempo du poème donne un sentiment d'un temps,vécu au ralenti,la femme vit son deuil .L'absente s'incarne dans la voix à la consistance physique. Le prénom Rachel, du titre, prend une résonance de râle, de glas Puis, l'événement échappe à la femme. Le rythme s’accélère au moment du rituel funéraire des « sables souillés....aux paroles raturées ». Elle se le réapproprie dans la dernière partie. L'expression de la douleur, physique comme un accouchement, fait haleter de la frustration d'un désir inassouvi. Une fois de plus, Maitre Pittau surprend par l'orientation donnée à l'histoire. A partir du moment où on comprend ce qui se joue, l'agencement du texte déporte de la femme rendue à son absolue solitude. Un sentiment de compassion envahit dans le corridor qui mène de la chambre vide au jardin du souvenir , son « sable souillé », un travelling interminable. Les portes de son enfer se referme sur celle qui reste.J'aime beaucoup cette perception de la douleur physique qui peut accompagner des événements de la vie et de la mort. On a une vie et pouvons vivre mille morts, j'aime,aussi, ces dilatations et contractions du temps, la consistance charnelle de la voix. A mon humble avis, le « O Dans l'alphabet » est une fioriture superflue. Prenez ce qui va suivre comme un compliment, votre écriture évolue. En l'état, elle est splendide . Elle pourrait;pourtant, se dépouiller jusqu'à l'os. Vous pouvez le faire et y arriverez.Je conçois,fort bien, que ce travail est intime comme les césures. Je ne sais pas, par contre si les remarques du lectorat aide à aller dans le fond du fond. En tous cas , merci pour cette découverte !

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  4. Verroust tu devrais candidater chez Assouline !!! Faire son nègre ... ou son chinois pour le filtrer ...

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  5. @MuLM. Merci... @Michèle. Oups, j' suis désolé et ravi de l'effet qu'il vous fait.@FM. Très très merci, FM. Vous avez vu les césures ? :)@patrick Verroust. Vous savez, j'essaie à chaque fois de rendre "concret" ce que j'imagine... de le rendre palpable.@Vinosse. Assouline ? Odradek te manque ou quoi ? :D

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  7. FP :« Vous essayez de rendre concret et palpable, ce que vous imaginez » . A cet exercice là, vous êtes passé maitre. Vos saynètes,chauffées à blanc, sont pour la plupart d'un expressionnisme incandescent accouplé à un impressionnisme surchauffé. L'exigence que vous me semblez avoir, voire le défi que vous, vous, donnez, me semble, résider dans le renouvellement des narrations avec une colonne vertébrale implicite pour donner une unicité au patchwork qu'elles dessinent et un dépouillement et une simplicité dans l'écriture selon ses canons propres. Narration/Écriture forment un couple inséparable et exigeant, je ne sais pas s'il est possible de les dissocier. Certaines scènes que vous peignez évoquent des sentiments frustres quoique vitaux,essentiels, votre langage est, alors,à l'unisson, il semble jaillir de la situation et être celui des protagonistes. D'autres suggèrent des émotions plus subtiles, votre langue épouse cette évolution mais, elle me semble,alors, se distancier du contenu qu'elle décrit avec justesse, mais sans s'exposer. Elle se fait belle,séduisante,elle mène sa propre existence, moins dépendante du sujet. Elle me plaît ce qui ne m’empêche pas de penser qu'elle est un diamant qui peut,encore, être taillé, associé à un or patiné pour fusionner à l'histoire, imposer son originalité d'une façon plus universelle.Vous êtes un poète, naturaliste, mais surtout le poète des instants extrêmes, des combats contre les vicissitudes, l'usure de la vie,des batailles contre les désespérances.. Je crois que votre écriture doit s'étalonner à ces pierres de touche là, garder la trace des luttes, témoigner des combats quitte à être imparfaite. elle le fait mais ce combat est sans fin . Vous avez , ce me semble, non seulement le talent , le courage mais surtout l'épaisseur humaine pour préserver l'essentiel de ce qui fait votre œuvre. Cette ascèse est d'autant plus grande et difficile quand l'art atteint sa maturité et une grande maitrise....Soyez persuadé que si je n'aimez pas votre travail, je ne me serais pas permis d'écrire ces remarques.

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  8. Magnifique poème...(Bon, je suis à côté de la plaque, parce que j'y ai vu le O et les sables souillés de l'arène, que j'ai cru percevoir le froissement de la muleta, le tout dominé par un air de fado. Ah là là.)

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  9. Ah ! la clef de lecture que donne Sophie K. me plaît beaucoup. Les deux premières stances pourraient en effet en remontrer à tout "art de birlibirloque" (sorte de "Discours de la méthode de la tauromachie" tel que défini par José Bergamin :)"Que viene el toro, te quitas tu, que no te quitas tu, te quita el toro" (le taureau arrive, tu t'enlèves, sinon c'est lui qui t'enlève).

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  10. Michèle, Sophie:Vous me faites lire et relire ce pomme.En première lecture, La première strophe, je l'avais lu comme un spasme charnel, un ultime et douloureux don du corps,au début de la seconde,l'idée d'une arène m'a effleuré mais ces hypothèses furent ,vite, réduites en cendres,ensablées.

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  11. Rien à voir avec le sable propre et humide de l'arène.Sinon il s'agirait de la révélation de sainte marie du mouchoir plié dans mon slip, ce que je ne crois pas ...

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  12. Le sable est propre jusqu'à ce que le sang coule, Vinosse... :)

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  13. Mince! Le temps de lire le grand Patrick Verroust, plus de batterie! Mais je reviendrai!!

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  14. Et moi, j'ai confond fado et flamenco, mille excuses (j'ai plus ma tête, décidément).

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  15. @FM. Vous n'avez pas les yeux dans votre poche, vous. :D@patrick Verroust. Euh... naturaliste ?...@SophieK. La muleta, c'est peut-être un chouia de trop mais pour l'arène je suis d'une bonne oreille.@Frederique. Oups. Ah. (sifflet coupé)@Michèle. Bien que pas porté du tout sur les corridas, j'ai lu et relu "mort dans l'après-midi".@Vinosse. J' fais pas du reportage sur la corrida, c'est vrai. Quant à ton slip, ben, tu dois bien savoir ce qui s' passe dedans.@Depluloin. C'est comme ça avec le matériel moderne : il en jette mais il tient pas la longueur. :D@Sophiek. Chuuut... on n'a rien vu...

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  16. Naturellement, le mot naturaliste est inapproprié. La nature,souvent incandescente, les "instincts",celui de conservation au premier chef, les sensations essentielles, tiennent une place primordiale dans ce que je connais de votre œuvre.

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  17. J'suis pas matador, mais tu dois savoir que pour compenser la disparition passagère de leur machinerie, les torero s'enfilent, plié en quatre, un mouchoir dans le collant rose ... Devant ...

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  18. @patrick Verroust. Mon œuvre ? :D Mes bidules me convient mieux.@Vinosse. J'en connais qui sont pas matadors et qui le font quand même. Holàlàlàlà...

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  19. Si bidule vous plaît, va pour bidule, j'aime ce mot!Vos personnages sont, souvent, dans la berdoule, vous faites, mieux que bidouiller leurs aventures mais de la belle ouvrage. Une œuvre existe dés qu'elle est la manifestation tangible d'une pensée même infime. Votre modestie ne saurait pas être outragée par son emploi:):)

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  20. Cette absence est magnifique... ce manque qui vous hante la carcasse. Voilà c'est beau c'est tout...

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