samedi 1 février 2014

On dirait l'Engadine

Comme un cœur qui bat
La maison brûle
Sous la neige
Les flammes crèvent
Les fenêtres les portes
Les tuiles sages
Qui ont des rougeurs
De cerises mûres

Les prairies tranquilles
Dans l’infini pullulement
Attendent les fleurs
Et les ronces endormies
Des chevaux broutent
Le froid d’une dent
Réticente
Les babines poudrées
Du givre de leur haleine

Une paix flamboyante
S’étale sur les arbres
Noirs et rongés de mousses
Des montagnes s’étiolent
Des rivières épaissies
Gargouillent des poissons
Glacés de gris
On pense à des terres lointaines
Aux vallées désertes
Creusées dans le roc
Par la vigueur du temps
Où le pas peut se perdre
Jusqu’à la nuit

Les paupières se ferment
Sur des feux sans chaleur
Et l’on se prend à contempler
Les pics inscrits dans la mémoire
Avec la netteté d’un coup
De fourchette
C’est un monde de cendres
De fruits secs de bêtes
Abattues et de graisses
Odorantes
C’est un monde qui vient

Comme un cœur qui bat
La maison s’écroule
Avec la lenteur de la neige
Qui tombe

4 commentaires:

  1. patrick verroust2 février 2014 à 02:53

    Le feu, la peur viscérale, des habitants des montagnes est décrit comme une ellipse anecdotique. Une maison brûle, les flammes crèvent, la maison s'écroule « avec la lenteur de la neige qui tombe »...Mais la vie continue, la mise à distance est immédiate dés « les tuiles sages qui ont des rougeurs de cerises mures » qui introduisent la beauté spectaculaire de l’événement. Cette mise à distance se poursuit avec les chevaux qui « broutent le froid d'une dent réticente », « une paix  flamboyante »,association osée face au drame, s' étale . Les métaphores poétiques se succèdent splendides «  les poissons glacés de gris »...Et pourtant la mort rode, fait son œuvre . « C’est un monde de cendres,de fruits secs de bêtes,abattues et de graisses,odorantes
    C’est un monde qui vient …...Horriblement beau ce poème. Vision prémonitoire, je m'interroge, en attendant Grisons nous en !!.....

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  2. Eh bé, m'sieur Verroust, quelle fougue !

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  3. Merci, madame Frédaime. Vous êtes très indulgente.

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