mercredi 9 septembre 2015

Partir et arriver encore

Il voyait la rive basculer lente et brumeuse
dans le clair soleil du matin parsemé
d’oiseaux et de bruits dont l’écho éclatait
comme une bulle de savon dans le miracle
toujours recommencé des heures blanches
et de l’humidité qui s’accroche aux cheveux

Des oranges flottaient sur les vagues courtes
on entendait le clapotis contre la coque
en métal et le lent frisson de la lumière
sur les larges feuilles des figuiers
endormis bras déployés dans la fraîcheur
des collines— une chèvre bredouillait
une silhouette fugace passait sous les arbres
pâle comme un songe et aussi tangible
qu’un baiser sur une joue fraîchement rasée

Les sources s’éveillaient comme l’homme
et la femme éblouis une main sur le cœur
avec un souvenir de paroles au fond de la gorge
et des cris et des soupirs fichés dans la tempe
balles de plomb ou d’argent de celles qui raturent
l’empreinte et l’esprit même de l’empreinte.

«Bordel ! que c’est beau que c’est serein
que c’est lisse et paisible plus encore
qu’une jatte de crème sur une table l’été
plus encore que le citron noyé dans l’eau
et le sucre plus encore qu’un clignement
d’yeux de chat qui cherche le sommeil»


Et l’odeur des melons et des pastèques
mûrissants ajoutait dans l’air des pépins d’insectes.

2 commentaires:

  1. Dans ce poème, il y a quelque chose comme le réalisme magique kafkaïen....Une bouffée de joie "irrationnelle" surgit dans la déliquescence et le pourrissement ambiant...la tension vers un bonheur serein (celui d'après l'amour ?) est sensible, elle arrive à submerger l'ambivalence des perceptions sensuelles jusqu'à faire jaillir un sentiment de beauté....

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    1. Ça parle du saisissement... l'amour n'a pas grand-chose à voir dedans, sauf comme un point de rapport pour exprimer ce saisissement. Comme l'amour évoqué pour la sidération mystique. C'est une image. On trouve cela assez souvent chez Jean de la Croix.

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