samedi 20 février 2016

L'Orange

L’orange flambe dans l’assiette
où la peau des mots
tombe en corolles
parmi les pépins gras
de salive et les soupirs
entortillés en allumettes
noircies— tu suçotes
la pulpe des paroles
murmurées par-dessus
le silence des abeilles
et la clarté morcelée
des feuillages où l’oiseau
s’endort écrasé
de chaleur et de fatigue

Tu n’iras plus ailleurs
tu resteras immobile
dans la stupeur de la méridienne
décortiquant les agrumes
d’un doigt raide et blessé
pendant que le temps
traînera sa nonchalance
vers le puits qui hurle
sa fraîcheur impassible
dans un cri toujours naissant
et jamais abouti

Les fourmis tenaces
ont envahi la table
ont rempli les assiettes
de leur grouillement
à mesure que ta voix s’est enfuie
en bel oiseau poudré
de murmures et de désirs
de fruits de chairs caressantes
de souvenirs lovés
sur eux-mêmes tels ces lombrics
que la bêche coupe en deux

«Enfin écoute un peu
il n’est plus rien que ces images
ce poirier pétrifié sous la brise
de l’été cette vieille femme
déchiquetant sa vie
en petits bouts inquiets
il n’est plus rien d’autre que le baiser
du soir dans les draps 
qui sentent la lessive 
et la lente maturation des citrons»

C’est ta voix qui s’envole
c’est ta voix qui se brise
c’est ta voix qui chute
dans le gouffre aux eaux
savonneuses c’est ta voix
qui s’étiole qui s’effrite
et qui finira particules
insensibles dans l’immense
torpeur d’un soleil achevé.

5 commentaires:

  1. c'est très beau
    et j'aime bien quand vos poèmes commencent d'abord par exciter les papilles (avant la tête ou les yeux ou les oreilles ou le coeur ... :)
    un parfum d'agrumes ici entre douceur et acide

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  2. Pour ma part,je suis sensible à la force de l'image suggérée. Je vois,dans un village du sud, une petite vieille ratatiner accomplir des épluchages machina, douloureux.Tout n'est plus que résidus de matières. ..Sous la pulpe des mots ,la vie vacille...une petite bougie presque consumée. .

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    1. Consumée, je ne dirais pas... je crois qu'il s'agit plus d'expansion que d'extinction. Merci, m'sieur Verroust. :)

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  3. Pour ma part,je suis sensible à la force de l'image suggérée. Je vois,dans un village du sud, une petite vieille ratatiner accomplir des épluchages machina, douloureux.Tout n'est plus que résidus de matières. ..Sous la pulpe des mots ,la vie vacille...une petite bougie presque consumée. .

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