dimanche 20 avril 2014

Cet oiseau…

Cet oiseau singulier
Enfermé dans sa tête
Froufroute des heures
Durant
Se cogne aux os
Blesse de son bec
Les tempes douloureuses
Fait vibrer les vertèbres
Comme les dents
Du loup sur la carcasse

Il chante il siffle il hurle
Et monte ses trilles
En cascades multiples
Jusqu’à briser les rochers
Qui surplombent vallées
Et gorges abruptes
Où la mort est affalée
Entre deux sentiers
Poussiéreux
La main nouée sur une pierre
Couleur de coquillage

Le vent se dresse sur ses pieds
Épais
Ferme sur ses hanches
Solides et donne de la voix
Contre la falaise où la trace
Des hommes et des femmes
Anciens est toujours aussi
Fraîche et vivante
Qu’au jour premier

Des chevaux des bêtes
Indéfinies courent sur des prairies
Torréfiées
Le monde s’éparpille dans un tourbillon
De lumière
Les paupières se ferment
En mettant sur les pupilles
Les images noires et brûlées
De forêts lointaines
Et l’oiseau se tait

10 commentaires:

  1. patrick verroust20 avril 2014 à 18:20

    La nouvelle veine de Francesco se précise. Il entre dans la tête des personnages qu'il a fait courir, pour nous, fuyant des incendies, des captures, luttant pour leur survie dans un univers hostile, n'ayant pour seul appui que la nature à la fois si belle et si farouche.Le poème nous fait vivre cette lutte pour la vie du dedans de l'être. Comme , toujours, chez Francesco , les images sont fortes, ici, violemment naturalistes. Elles forgent, au second degré ,des métaphores quasi mythologiques. « L'oiseau qui froufroute » évoque la folie....La folie de l'homme errant , cherchant à rester vivant au milieu des cadavres. Il se pourrait que ce soit folie de vivre mais la conscience d'être un maillon qui fait perdurer la « trace fraîche et vivante ainsi qu'au jour premier » est un carburant pour continuer l'ancestral combat. L'homme a en lui, de terribles et splendides images qui sont autant souffrance qu'il sait mettre à distance pour les mater. « L'oiseau se tait ». Le poème a des accents hugoliens, ainsi se poursuit la légende de siècles.....La vie n'est pas raison mais folie, la raison n'est qu'un outil, une méthodologie, trop souvent un outil d'oppression. Le fou est un chaman anonyme.
    La folie n'existe pas en psychiatrie, il y a des maladies psychiques. La folie est indéfinissable, d'aucuns se permettent de traiter de fous quand ils se trouvent dérangés jusqu'à faire éveiller psychoses et névroses. Ce poème est puissant.

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  2. Il se tait, mais tu l'écris.....C'est fort, beau...Moi, le froufrou me fait penser à Rimbaud : "les étoiles au ciel avaient un doux froufrou" et ce poème à la tempête intérieure" conduisant à écrire, et à éviter ladite folie, sans échapper pourtant à la bousculade, à la traversée vie-mort, au pincement du doute. Ecrire étant désirer plutôt que délirer (à une aile ou une esse près, on s'écarte du danger)... Oui, bien d'accord avec Patrick, ce poème est puissant. :)

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    1. J'avoue que je ne suis pas un grand amateur de Rimbaud... je l'ai lu mais jamais relu... froufrouter, je ne sais pas d'où ça me vient... peut-être de là... :)

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  3. C'est dans "ma Bohême" ou "Bohème"... qui a des sonorités extraordinaires, et entre autres la juxtaposition "doux froufrou"

    "(...)- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
    Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
    - Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

    Et je les écoutais, assis au bord des routes,
    Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
    De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

    Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
    Comme des lyres, je tirais les élastiques
    De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

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    1. Oui, je connais tout de même... juste que je ne relis jamais Rimbaud... doit y avoir un âge pour ça, j'imagine.

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  4. Une limite d' âge pour lire et relire Rimbaud ou avoir été marqué par son "héritage"?
    Pour moi, non.



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    1. Je sais juste que si je le reprends, je laisse tomber... ça ne m'intéresse pas ou plus... mais ce sont des choses inexplicables. Il y a des tas de livres qu'on lus et qu'on serait incapables de relire... d'autres nous suivent plus longtemps, parfois toujours.

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